Journée de découverte - Plans d'Expériences

Introduction De nombreux acteurs du monde universitaire ou du monde industriel ont entendu parler des plans d'expériences, que ce soit au travers de conférences, de livres ou de logiciels. Cette famille d'outils a subi de nombreux développements tout au long du XXème siècle, depuis les travaux du mathématicien Sir Ronald Aylmer Fisher travaillant pour l'agronomie, jusqu'aux plans optimaux devenus accessibles grâce aux développement de d'informatique, sans oublier la vulgarisation de la méthode Taguchi. Les plans d'expériences sont donc largement déployés aujourd'hui dans le monde de la technologie. Il convient d'en faire une cartographie pour permettre aux potentiels utilisateurs de procéder à un choix judicieux, tant dans la construction d'un plan d'expériences que dans l'analyse des résultats d'essais (Fig.1).


Figure 1. Choix d'un plan d'expériences.
Il convient que le choix du plan d’expériences dépende des objectifs des expérimentateurs et respecte les contraintes technico-économiques de l’étude. Le plan d’expériences consiste alors à définir, au sein du domaine expérimental, les essais à effectuer ainsi que la chronologie de leur réalisation.

La réalisation d'un guide de choix est d'autant plus nécessaire que l'apprentissage des plans d'expériences est souvent compartimenté. Certains ont découvert les plans d'expériences associés à la méthode Taguchi, d'autres sont confrontés à des problèmes d'optimisation et ont abordé les plans pour l'étude des surfaces de réponse. Les formulateurs se sont intéressés aux plans pour l'étude des mélanges et d'autres encore ont étudié le criblage des facteurs, en fonction d'un nombre variable de modalités à partir d'un plan optimal. Ces différentes approches ont conduit ensuite les utilisateurs à recourir à des méthodes telles que l'analyse de variance ou l'analyse de régression pour construire le modèle, synthèse mathématique des résultats d'essais, à partir duquel des graphiques (Fig.2 et Fig.3) ont permis souvent de prendre des décisions.


Figure 2. Tracé des effets des facteurs.
Le modèle permet de restituer sous une forme graphique facilement interprétable les effets des facteurs, c’est-à-dire la variation de la réponse lorsqu’on procède à un changement de modalité du facteur. Dans cet exemple, le modèle nous indique que l’effet d’un changement de modalité de l’épaisseur est supérieur aux effets d'un changement de modalité des autres facteurs.


Figure 3. Surface de réponse et conditions optimales.
La modélisation de la variation d’une réponse au sein du domaine expérimental à partir d’un polynôme du second degré permet d’identifier les conditions de réglage des facteurs afin d’atteindre un niveau de réponse donné, par exemple un optimum. Dans cet exemple, le modèle suggère que pour une température égale à 133°C et pour une durée de réaction de 55 minutes, la teneur en liant extrait est voisine de 73%.


Mais, en fin de compte, qu'est-ce qu'un plan d'expériences ?

Les plans d'expériences constituent avant tout un outil de gestion et d'organisation d'une campagne expérimentale dont le but consiste à apporter des éléments d'information, facilement interprétables, aux différents acteurs d'une étude. Pour ce faire, la définition des expériences à réaliser doit permettre de construire un modèle d'exploration du domaine expérimental, ce modèle étant l'élément clef de la stratégie. Il existe naturellement plusieurs familles de modèles, en étroite adéquation avec les objectifs des expérimentateurs (Fig.4). De ces différentes familles de modèle découle naturellement la construction de plans d'expériences spécifiques et le renvoi à des méthodes d'analyse appropriées.


Figure 4. Rappel des principaux objectifs.
Les plans d’expériences permettent d’apporter des éléments de réponse à deux grandes familles d’objectifs, d’une part pouvoir comparer les effets des facteurs agissant sur une réponse et d’autre part pouvoir modéliser la variation d’une réponse dans un domaine expérimental afin d’atteindre des conditions optimales. Il convient de bien distinguer ces deux familles d’objectifs, car de là découle le type de modèle, la construction du plan et le choix d’une méthode d’analyse des résultats d’essais.

Le plan de la journée La construction d'un plan d'expériences obéit à une démarche méthodologique qu'il est possible de retranscrire sous forme de carte, matérialisant les étapes de la progression et introduisant au fur et à mesure les outils et les concepts. Il est ainsi possible de définir cinq grands thèmes.

• Comparer les effets des facteurs

Dans un processus, les variations de nombreux paramètres de réglage (Fig.5) peuvent avoir une influence plus ou moins importante sur la variation des caractéristiques des produits. Cette variation est appelé effet du facteur (Fig.2). Si la connaissance des experts permet de préciser généralement le signe, voire parfois l'amplitude d'un effet, la comparaison de ces derniers devient rapidement délicate en présence de nombreux paramètres de réglage. Il faut alors avoir recours à un outil pour effectuer des comparaisons objectives : il s'agit des plans de screening qui font appel à des modèles additifs sans interaction. L'analyse de variance est alors l'outil de dépouillement privilégié des résultats d'essais.


Figure 5. Diagramma d'Ishikawa.
La définition des facteurs et de leur plage de variation permet de construire le domaine expérimental au sein duquel les essais préconisés par le plan d’expériences permettront d’établir un modèle d’exploration. Le recensement des facteurs et des réponses donne souvent lieu à une synthèse des informations à partir d’un diagramme d’Ishikawa.>


• Préciser les effets d'un facteur en fonction des réglages d'un autre facteur

On aborde ici le problème de l'estimation des interactions entre les effets des facteurs. Par exemple, l'effet de la modification d'une température de transformation peut dépendre, plus ou moins fortement du niveau de réglage d'un catalyseur. La notion d'interaction est parfois source de confusion auprès des expérimentateurs. Il est donc nécessaire d'en démystifier le sens et de donner les moyens d'estimer correctement ces interactions à l'aide de plans d'expériences appropriés. L'étude des interactions (Fig.6) complète généralement une étude de criblage et fait appel aux mêmes outils pour l'analyse de modèles additifs avec interactions.


• Régler les facteurs pour atteindre des performances optimales

Cette question renvoie aux problèmes d'optimisation. La description de la variation de la réponse au sein du domaine expérimental sera effectuée à l'aide d'un polynôme de degré 2 dont l'équation provient de l'analyse de résultats d'essais d'un plan pour l'étude des surfaces de réponse (Fig.3). Parmi ces dispositifs expérimentaux, les plans de Box Behnken et les plans composites centrés sont les plus connus. Des outils spécifiques d'analyse, tels que l'utilisation des fonctions de désirabilité, permettent de rechercher un optimum multicritères.


• Mélanger des constituants pour satisfaire les exigences d'une formulation

On reste ici encore dans le cadre des problèmes d'optimisation, mais en rajoutant une contrainte : la somme des proportions des constituants doit rester constante. Quand on augmente la proportion d'un constituant dans un mélange, on diminue nécessairement la proportion des autres. Ce constat, bien connu des acteurs du monde de la formulation, a nécessité le développement d'outils spécifiques : il s'agit des plans pour l'étude de mélanges. La géométrie des domaines expérimentaux à explorer est parfois complexe (Fig.7) et renvoie à l'utilisation de modèles spécifiques tels que les formes canoniques des modèles polynomiaux, appelées souvent modèles de Scheffé. Les plans utilisés sont souvent des plans optimaux.


Figure 6. Différentes natures d'interaction.
En présence d'une interaction forte, le signe et l'amplitude de l'effet moyen ne sont pas représentatifs du signe et de l'amplitude des effets réels. L'effet du facteur A dépend alors fortement de la modalité choisie pour le réglage du facteur B. La présence d'interactions fortes et non détectées peuvent perturber l'additivité des modèles destinés à l'étude des effets des facteurs.


Figure 7. Géométrie du domaine expérimental sous contraintes.
La présence de contraintes individuelles et/ou relationnelles vient généralement restreindre le domaine expérimental défini à partir des constituants du mélange. Lorsqu'un simplexe initial est ainsi transformé en polyèdre convexe, il est nécessaire d'avoir recours à des outils spécifiques, tant pour la construction du plan d'expériences que pour l'analyse des résultats d'essais, ceci en raison de la complexité géométrique du domaine expérimental. Il est alors possible à partir de l'interprétation des modèles, de rechercher une formulation particulière permettant de satisfaire les exigences d'un cahier des charges, ou de quantifier les effets des variations des proportions des constituants autour d'un mélange de référence.


• Positionner les apports de la méthode Taguchi

La présentation pragmatique de certains types de plans d'expériences faite par le Dr Genichi Taguchi dans les années soixante a permis à beaucoup d'industriels de découvrir l'existence de méthodes de planification expérimentale. Cette vulgarisation, de manière trop orientale pour certains (Fig.8), date aujourd'hui de plus de quarante ans. Elle a fait couler beaucoup d'encre, mais fait encore souvent ses preuves dans des problèmes d'ingénierie robuste, grâce à une transformation originale des réponses en rapport signal/bruit. Taguchi n'a pas "inventé" de plans d'expériences. Il a simplement rendu accessibles à un large public des dispositifs expérimentaux connus : plans en carré gréco-latin ou en carré hyper gréco-latin, plans de Plackett et Burman, matrices d'expériences asymétriques orthogonales … L'ingénierie robuste consiste quant à elle à minimiser les effets des facteurs de bruit à partir d'un réglage bien choisi des facteurs contrôlés.


Figure 8. Articulations pour la construction et l'analyse d'un plan produit.
La méthode Taguchi intègre des plans d'expériences classiques à sa démarche. Ainsi, la notation L9(34) désigne un plan en carré gréco-latin, c'est-à-dire un dispositif expérimental destiné à étudier les effets de 4 facteurs présentant chacun 3 modalités en 9 expériences. De même, la notation L12(211) désigne un plan de Plackett et Burman pour l'étude des effets de 11 facteurs à 2 modalités. En réalisant le "produit" de deux plans d'expériences, l'un pour la prise en compte des facteurs contrôlés et l'autre pour la prise en compte des facteurs de bruit, il est alors possible de rechercher des solutions robustes, c'est-à-dire présentant une insensibilité aux effets des facteurs de bruit. L'utilisation d'une fonction de transformation des réponses observées facilite cette recherche.